LA POMME DE LA DISCORDE
Les liquidations d’indivision réservent souvent de mauvaises surprises.
Des concubins achètent une maison dont ils sont propriétaires à parts égales, chacun pour moitié.
Ils contractent un prêt garanti par une assurance. Quelque que soit le risque couvert par cette assurance, invalidité ou perte d'emploi, à qui profitera la prise en charge du sinistre si le risque se réalise ?
La solution est d’importance.
En effet, les créances consécutives au remboursement des emprunts immobiliers sont réglées par l’article 815-13 du code civil.
En application de cet article, lorsqu’un indivisaire a avancé de ses deniers les sommes nécessaires à la conservation d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à la dépense faite ou à l’importance de la plus-value prise par ce bien au jour du partage.
La Cour de Cassation a jugé que les dépenses relatives au remboursement du prêt immobilier donnaient lieu à une créance qui devait être calculée sur le profit subsistant à la date d’acquisition du bien.
Arrêt de la Cour de Cassation, 1 février 2017 (16-11599) :
« Vu l'article 815-13 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que, pour le remboursement des dépenses nécessaires à la conservation d'un bien indivis, il doit être tenu compte à l'indivisaire, selon l'équité, de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu'il a faite et le profit subsistant ; que ce profit se détermine d'après la proportion dans laquelle les deniers de l'indivisaire ont contribué à la conservation du bien indivis ;
Attendu que, pour fixer le montant de la créance de M. X...sur l'indivision post-communautaire en raison du remboursement par celui-ci, postérieurement au divorce, d'une partie du prêt ayant permis l'acquisition d'un immeuble commun, l'arrêt retient que le profit subsistant correspond à la contribution du patrimoine créancier du chef du remboursement de l'emprunt, rapportée à la valeur du bien à la date de dissolution de la communauté, qui correspond à la naissance de l'indivision, le tout appliqué à la valeur actuelle du bien ;
Qu'en calculant ainsi le profit subsistant par rapport à la valeur du bien au moment de la dissolution de la communauté et non à sa date d'acquisition, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Qu’en est-il, lorsque le remboursement du prêt a été pris en charge par la compagnie d’assurance ?
La Cour de Cassation a jugé que les indemnités versées par l’assurance en garantie du risque couvert, ne profite pas au coindivisaire.
Arrêt de la Cour de Cassation le 15 décembre 2010 (09-16693) :
« Vu les articles 1121 et 1213 du code civil ;
Attendu que selon acte notarié du 14 février 1992, M. X... et Mme Y..., ont fait l'acquisition en indivision, chacun pour moitié, d'un immeuble ; qu'ils ont à cette fin souscrit solidairement un emprunt en garantie duquel M. X... a adhéré à une assurance perte d'emploi pour la totalité du prêt ; que le risque couvert s'étant réalisé, l'assureur a remboursé des échéances au prêteur ; qu'après la vente du bien, M. X... a demandé l'inscription sur son compte d'indivision des sommes réglées par l'assureur à la banque au titre du contrat garantissant le risque de perte d'emploi souscrit à 100 % sur sa seule tête ;
Attendu que pour écarter cette demande l'arrêt énonce que lorsqu'un prêt a été souscrit solidairement par deux coindivisaires, l'indivisaire victime d'un sinistre pris en charge par une garantie d'assurance, fût-elle souscrite à 100 % sur sa seule tête, n'est pas fondé à soutenir que la dette indivise ayant été éteinte à l'aide de deniers personnels, il convient de lui en tenir compte, alors que seul le bénéficiaire du contrat d'assurance -la banque prêteuse- a droit à l'indemnité destinée au remboursement de la dette et que cette indemnité n'a jamais fait partie du patrimoine de la victime du sinistre qui ne s'est donc pas appauvri en l'acquittant ;
Qu'en statuant ainsi, alors que sauf convention contraire, lorsque le souscripteur d'un emprunt destiné à l'acquisition d'un bien indivis a adhéré à une assurance garantissant le remboursement du prêt, la mise en œuvre de l'assurance à la suite de la survenance d'un sinistre a pour effet, dans les rapports entre les acquéreurs indivis, d'éteindre, à concurrence du montant de la prestation de l'assureur, la dette de contribution incombant à l'assuré concerné, la cour d'appel qui s'est fondée sur des motifs inopérants, a violé les textes susvisés ».
La Cour de Cassation considère que lorsque le souscripteur d’un emprunt destiné à l’acquisition d’un bien indivis a adhéré à une assurance garantissant le remboursement du prêt, la mise en œuvre de l’assurance à la suite de la survenance d’un sinistre a pour effet, dans les rapports entre les acquéreurs indivis, d’éteindre à concurrence du montant de la prestation de l’assureur, la dette de contribution incombant à l’assuré concerné.