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LA MAISON DU CASTOR

Publié le par Véronique CASTEL

LA MAISON DU CASTOR

En application de l’article 1792-1 2° du code civil, est qualifié constructeur, le vendeur qui a réalisé ou fait réaliser des travaux, le soumettant ainsi à toutes les garanties dues par les constructeurs, dans le but de paralyser l'efficacité de la stipulation de non-garantie (Civ. 3e, 9 déc. 1992, n° 91-12.097).

Des époux ont entrepris la construction de leur maison sur un terrain qu’ils avaient préalablement acquis. Ils n’ont eu recours à aucun professionnel, ni artisan, ni entreprise de bâtiment.

Quelques années plus tard, ils vendent la maison à un particulier.

L’effondrement du plafond surviendra quelques mois à peine après la vente.

Il ne fait aucun doute que l’immeuble est affecté d’un vice caché mais les vendeurs se sont exonérés dans l’acte de vente de toutes responsabilités à ce titre.

Cette clause ne peut être écartée qu’en rapportant la preuve que les vendeurs connaissaient les vices.

La notion de vendeur professionnel a été définie par la Cour de cassation dans une conception extensive.

Celle-ci a considéré que devait être assimilé à un vendeur tenu de connaître les vices, le technicien du bâtiment qui a vendu un immeuble après l’avoir conçu ou construit (Civ.3, 26 février 1980, Gaz.pal.1981, 2, 646, Civ.3, 27 septembre 2000, D.2001, 2628).

Elle retenait alors le critère de conception ou de réalisation par le vendeur mais également celui de la compétence.

Au fil des décisions, elle l’a étendue au vendeur, au demeurant technicien du bâtiment, mais ayant cessé toute activité professionnelle depuis plus de trente ans, puis au particulier ayant réalisé des travaux dans le bien vendu, indépendamment cette fois de sa compétence pour les exécuter.

Seul le critère de conception et/ou de réalisation des travaux par le vendeur dans l’immeuble est désormais pris en compte :

Arrêt de la Cour de Cassation du 9 février 2011, 3ème Chambre civile (09-71498):

« Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité et de dire inapplicable la clause exonératoire de garantie stipulée dans l'acte de vente du 10 septembre 2001, alors selon le moyen :

1°/ qu'en se bornant à faire état du rôle prépondérant joué par M. X... dans les travaux d'installation du poêle de sa propre maison, la cour d'appel n'a pas caractérisé sa qualité de "professionnel de l'immobilier", que, par suite, en écartant à raison de cette qualité l'application de la clause exonératoire de garantie stipulée au profit du vendeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1643 du code civil ;

2°/ que la circonstance que le vendeur ait pu créer le risque à l'origine des désordres survenus postérieurement à la vente ne figurait pas au nombre de celles ayant pour effet d'écarter l'application de la clause exonératoire de garantie stipulée au profit du vendeur ; que dès lors, en fondant sa décision d'écarter l'application de ladite stipulation sur cette considération, sans caractériser la mauvaise foi du vendeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1643 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que M. X... s'était comporté en qualité de maître d'oeuvre, qu'il avait acheté les matériaux, conçu l'installation litigieuse et l'avait en partie réalisée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant qu'il devait être assimilé au vendeur professionnel tenu de connaître le vice »

Arrêt de la Cour de Cassation du 11 avril 2012 (11-13198) :

« Vu les articles 1641 et 1643 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 décembre 2010), que, par acte authentique comportant une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés, M. et Mme X... ont vendu une maison d'habitation à M. Y... ; qu'une fissure étant apparue sur le mur du jardin, celui-ci a, après expertise, assigné les vendeurs en réduction du prix de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Attendu que pour débouter M. Y... de ses demandes, l'arrêt retient que le simple fait que le mur ait été construit par les vendeurs ne suffit pas à écarter l'application de la clause d'exclusion, que si, en prenant part à la construction, les époux X... ont commis des erreurs, rien n'établit qu'ils aient eu conscience de celles-ci, qu'il n'est pas démontré que, lors de la vente, ils avaient connaissance du vice affectant la construction, lequel n'est apparu qu'à l'expert judiciaire venu sur place pour examiner d'autres désordres et qu'il ressort du courrier qu'ils ont adressé le 11 octobre 2005 au conseil de M. Y... et de l'attestation de Mme Z..., agent immobilier, que les vendeurs avaient bien indiqué à M. Y..., lors de la visite des lieux antérieure à la vente, qu'ils avaient eux-mêmes édifié le mur de manière provisoire, et qu'une déclaration préalable de travaux avait été déposée en mairie, de sorte que leur bonne foi ne pouvait être mise en doute ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en sa qualité de constructeur, le vendeur pouvait ignorer les vices de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

Les juridictions du fond font application de manière habituelle de cette conception extensive.

Dans un arrêt du 13 novembre 2012, la Cour d’Appel de DIJON (10/02197) a qualifié un vendeur qui s’était chargé du lot maçonnerie et avait ainsi assumé le rôle de maître d’œuvre, de « constructeur vendeur de l’ouvrage ».

Les vendeurs doivent donc répondre des remises en état, étant entendu que  le caractère apparent ou caché des désordres s’apprécie en la personne du Maître de l’ouvrage constructeur au jour de la réception et non de l’acheteur :

Cour de Cassation 3ème civile 10 novembre 2016 (15-24379)

« Attendu que, pour rejeter la demande formée au titre des désordres relevant de la garantie décennale, l'arrêt retient qu'il est établi que les défauts affectant les travaux de réfection complète de la toiture et de la toiture terrasse étaient nécessairement connus de M. Z... et M. Y..., que, n'ayant nullement renoncé à la vente, ils ont acquis l'immeuble en connaissance de cause et qu'ils ne sont pas fondés à poursuivre M. X... sur le fondement de la responsabilité des constructeurs ;

Qu'en statuant ainsi, au motif inopérant que les désordres décennaux relevés par l'expert étaient connus et/ ou apparents au moment de la vente, alors que le caractère apparent ou caché des désordres s'apprécie en la personne du maître de l'ouvrage constructeur et au jour de la réception, qui correspond pour celui-ci à l'achèvement des travaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

La question de l’existence d’un procès-verbal de réception ne peut pas se poser dans l’hypothèse d’un vendeur constructeur. La jurisprudence a donc considéré que dans le cas des constructeurs vendeurs la réception devait être fixée à la date de l’achèvement :

Cour de cassation 3e civ., 26 janvier 2005 (03-17173)

« Il appartient au vendeur contestant la recevabilité de l’action d’établir, par tous moyens (facture, attestation, déclaration d’achèvement aux services administratifs…) que celle-ci a été engagée hors délai et, ce en prouvant que les travaux ont été achevés plus de dix ans avant la date de la demande en justice de l’acquéreur ».

 

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